Cacao Forest, vous le savez, est un projet qui étudie des modèles agro-forestiers innovants pour maximiser les revenus des producteurs de cacao en optimisant le rendement des plants de cacao et en valorisant les produits annexes de la cacaoyère.
En République Dominicaine, où nous avons lancé la phase 1 du projet, les cacaoyers poussent avec les bananiers, les orangers, les avocatiers et de nombreuses autres espèces.
Notre partenaire Earthworm Foundation a missionné Thomas Emery, lors de son stage de fin d’étude d’ingénieur agronome, afin qu’il étudie le marché des fruits dérivés des cacaoyères à Saint Domingue et étudie les leviers d’actions qui permettraient de valoriser ces productions complémentaires au cacao.
Organisation de l’étude de terrain :
L’étude portait sur la zone de San Cristobal : 396 producteurs regroupés en 2 districts : Medina (11 groupes de producteurs) et Jamey (9 groupes de producteurs). Afin d’étudier le marché et de réaliser un bilan de l’existant, Thomas a :
– organisé des entretiens avec les groupes de producteurs afin d’évaluer les volumes de production et les espèces concernées,
– rencontré les intermédiaires pour comprendre le fonctionnement du marché actuel
– rencontré les supermarchés pour étudier de nouveaux débouchés éventuels.
Les systèmes agroforestiers de la zone sont caractérisés par de faibles rendements en cacao et une très grande diversité de produits associés (cf Article du mois de juin). Les produits régulièrement associés au cacao dans ces systèmes agroforestiers sont les suivants : bananes, avocats, agrumes, fruits de l’arbre à pain, ignames, sapotilles, tubercules de taros, ananas et gingembre.
Une grande diversité de produits associés, un potentiel de revenus important
Ces graphiques nous indiquent que dans la région de Médina près de 70% de la production associée à la cacaoyère est consommée par la famille des producteurs, 20% est vendue mais 10% est perdue.
Dans la région de Jamey, une part plus importante est vendue (56%) mais il reste néanmoins 12% de la production qui est perdue.
Ces données nous confirment que dans ces deux secteurs il y a un potentiel de revenus complémentaires pour les producteurs s’ils avaient la possibilité de vendre une part plus importante de leur production.
D’ailleurs, au vu des quantités produites et des prix du marché, Thomas a pu établir le graphique suivant qui montre que si toute la production était vendue les revenus cumulés de toutes les espèces produites hors cacao, dépasseraient de loin les revenus de la vente du cacao :
En complément, il est particulièrement intéressant de noter que les calendriers de production de chaque espèce permettent d’assurer un revenu régulier tout au long de l’année dans une zone ou l’épargne est quasi inexistante.
Un marché non structuré
Malheureusement, alors que la filière cacao est organisée, il n’existe pas de filière réellement organisée pour les autres fruits de la cacaoyère. L’apport des revenus complémentaires de la cacaoyère pour les producteurs reste trop souvent théorique.
Aujourd’hui, ce marché est géré de manière individuelle : chacun vend sa production à un intermédiaire (souvent lui aussi producteur) qui part ensuite pour les marchés alentours. Les intermédiaires proposent un système intéressant puisqu’ils viennent directement sur place et paient comptant la production ce qui soulage les producteurs du risque du marché tout en leur offrant une certaine liberté.
L’émergence de nouvelles opportunités
Lors des enquêtes terrain, 4 supermarchés et trois marchés Bio ont été approchés. Tous ont montré un vif intérêt pour les fruits associés dans les systèmes agroforestiers de cacao et souhaitent travailler avec les producteurs afin de mettre en place de nouvelles filières. Les produits issus des systèmes agroforestiers de Cacao présentent l’avantage d’être issus de l’agriculture biologique et devraient en recevoir la certification rapidement.
Cependant développer ces nouvelles filières n’est pas chose aisée. D’un côté les supermarchés demandent une forte organisation afin d’assurer la livraison de grandes quantités de produits de manière régulière. De l’autre, les marchés bio plus souples, et plus facile à intégrer ne cherchent à s’approvisionner qu’en petites quantités.
Aujourd’hui les producteurs sont regroupés dans une coopérative pour la vente du cacao. Ce fonctionnement leur permet de centraliser les productions, augmenter les volumes, simplifier la logistique et négocier les prix à plus grande échelle. Reproduire ce schéma pour créer de nouvelles filières permettrait donc de tirer un meilleur profit des ventes de produits issus des systèmes agroforestiers tout en facilitant son organisation. Les coopératives de cacao partenaires du projet Cacao-Forest se montrent intéressées à développer ces nouveaux marchés et élargir ainsi les services rendus à ses membres.
En se regroupant, les producteurs pourraient mieux répondre aux exigences de volume et de régularité des supermarchés, ce qui leur assurerait un revenu régulier.
Les prochains mois devraient donc voir le développement de petites filières mieux structurées pour tester ces nouveaux marchés avant peut-être de pouvoir intégrer au fur et à mesure la plupart des producteurs membres des coopératives de cacao.